CARAPILES : LE CAR RAPIDE TÉLÉCOMMANDÉ, SYMBOLE DE LA CULTURE MAKER

Si le mouvement maker est bien organisé aux Etats-Unis, avec sa communauté, ses espaces de création et ses événements, il continue de se structurer en Afrique. Pourtant, la culture “do it yourself” y est profondément ancrée dans les habitudes. Et lorsque la tech rencontre l’artisanat, le résultat est bluffant.

Au Sénégal, nous avons rencontré Karimou Ba. Cet ingénieur de formation a crée Carapiles, une voiture télécommandée à l’effigie des colorés car rapides sénégalais.

“Nous vivons une époque formidable où nous n’avons besoin que de notre imagination pour créer des choses !”

CARAPILES : LE PREMIER CAR RAPIDE SÉNÉGALAIS TÉLÉCOMMANDÉ

Au Sénégal, le car rapide est ce qu’on peut appeler une institution. Ces mini bus bariolés aux couleurs facilement identifiables représentent le principal mode de transport des habitants de Dakar, leur prix défiant toute concurrence.

Invocations religieuses, lutteurs, animaux, végétation… Sur leur carrosserie se dessinent les symboles de la société sénégalaise. Si bien qu’en 2015, le car a fait son entrée au Musée de l’Homme à Paris.

Pourtant, la fin des cars rapides est annoncée. Trop vieux – certains ont plus de 30 ans – et trop polluants, les mini bus devraient être retirés de la circulation d’ici fin 2018, dans le cadre du programme de renouvellement du parc autobus.

Avant sa disparition, Karimou Ba a capté l’âme du car rapide, tout en lui apportant sa touche tech. Né d’un père mauritanien et d’une mère sénégalaise, ce jeune ingénieur se présente “comme Ouest Africain, tout simplement”. Il grandit entre le Burkina Faso et le Sénégal, avant de poursuivre ses études supérieures en France.

“Mon diplôme d’Ingénieur en poche, j’ai passé près de dix ans à travailler pour de grandes sociétés européennes. Puis, j’ai pris deux décisions importantes : devenir mon propre Chef et rentrer au Sénégal ! Aujourd’hui à Dakar, je fabrique des jouets et des fois, je nettoie la ville.

Démonstration du Carapiles avec son fondateur, Karimou Ba.

Ce que Karimou Ba ne dit pas, c’est que cela fait plus d’un an qu’il conçoit une véritable réplique du célèbre car rapide. A ceci près qu’il en a fait une voiture télécommandée. Après avoir passé avec succès l’étape du prototypage, le “Carapiles” est aujourd’hui commercialisé à travers Dakar.

“L’idée m’est venue en observant les petits cars rapides artisanaux vendus dans les rues de Dakar. Ce sont de très beaux objets, mais les enfants ne peuvent pas jouer avec car ils sont en métal recyclé et potentiellement coupants. (…) J’ai donc commencé à prototyper et à tester mon idée…”

QUAND LA TECHNOLOGIE SUBLIME L’ARTISANAT

Maker dans l’âme, le jeune ingénieur fabrique pour le moment tous les exemplaires de chez lui, où il y a installé son bureau. On peut deviner le processus de fabrication, de la découpe du bois au montage des pièces électroniques. Pour le reste, “c’est top secret”.

Le meilleur moyen d’encourager la production d’un pays, c’est de consommer local

Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’il a tenu à mettre en valeur l’artisanat local. Toutes les pièces représentant la carrosserie sont intégralement peintes à la main par des artistes locaux.

“Le meilleur moyen d’encourager la production d’un pays, c’est de consommer local. Malheureusement, les africains en général, et les sénégalais en particulier, ont du mal à proposer des produits de qualité et innovants. Et quand c’est le cas, nous préférons quand même les produits importés, fortement taxés par l’Etat”.

Attaché au “fabriqué local”, Karimou Ba avait aussi lancé Jërëjëf.com, une plateforme participative valorisant la créativité et le “made in Senegal”. Artisans, designers et créateurs y sont mis en valeur par la communauté et gagnent en visibilité.

L’IMPORTANCE DES MAKERPLACES DANS LA DIFFUSION DE L’INNOVATION

La culture “maker” a rencontré – et rencontre encore – un large succès à travers le globe. Le mouvement a d’ailleurs son propre magazine, Make Magazine. Son fondateur, l’expert américain en nouvelles technologies Dale Dougherty, a également organisé la première Maker Faire en Californie, en 2006.

L’éclosion de la culture maker aurait difficilement pris une telle ampleur sans le développement des fab labs (pour “fabrication laboratory”, laboratoire de fabrication en anglais). Créés il y a une quinzaine d’années par le MIT, le modèle du fab lab se traduit sous la forme d’un espace de création qui met à disposition du grand public des moyens de fabrication, notamment numériques.

Defko Ak Niep m’a apporté deux choses essentielles : l’accès à des machines (...) et une communauté de gens passionnés

Derrière ces espaces de création, l’objectif fondateur est de stimuler l’innovation technique et entrepreneuriale dans l’ensemble de la société. Karimou Ba peut témoigner de l’importance des makerplaces. C’est en effet au sein du fab lab de Dakar, le Defko Ak Niep (“Fais le avec les autres” en wolof), qu’il prototype son premier Carapiles :

Defko Ak Niep m’a apporté deux choses essentielles. D’abord, l’accès à des machines qui m’ont permis de prototyper très rapidement mon produit. Ensuite, une communauté de gens passionnés et compétents pour m’accompagner et me soutenir. Sans eux, je n’aurais rien pu faire et je leur en serais éternellement reconnaissant, en particulier Modou et Dodji. »

La team SEKOU n’a pas résisté… Voici “SEKOU raps”, notre nouveau membre !

Si la culture du “do it yourself” et de la débrouillardise est largement partagée sur le continent, les makers manquent encore d’espaces adaptés pour donner vie à leurs idées. D’autant plus que s’auto-labelliser fab lab ne s’improvise pas. Il faut respecter une charte et se conformer à des critères d’accessibilité et d’équipements.

Néanmoins, et pour le plus grand bonheur de la c, le mouvement se structure de plus en plus en Afrique. Les hubs technologiques sont encore mal répartis sur le continent, mais ils sont de plus en plus à naître chaque année. Le premier Maker Faire Africa a d’ailleurs eu lieu au Ghana en 2009. Pour le créateur de Carapiles, les barrières pour accéder à l’innovation tombent les unes après les autres :

Pour moi, nous vivons une époque formidable où nous n’avons besoin que de notre imagination pour créer des choses ! Ordinateurs, internet, les fablabs et leurs découpes laser ou autres imprimantes 3D… Tous les outils et tout le savoir du monde sont accessibles à qui s’en donne les moyens, que l’on soit à Dakar ou à Paris, riche ou pauvre ! »

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morgane@sekou.org

Après plusieurs années dans les RH, j'ai développé un sens relationnel aigu et une réactivité à toute épreuve. Curieuse invétérée qui s’émerveille d’un rien, j'ai pris le virage du digital à travers la création de contenus web et le social media. Mes domaines de prédilection : l’art, les nouvelles technologies, l’environnement et la photo.