Avec l’Africa Web Festival, Mariam Sy Diawara propulse le potentiel du numérique africain
Depuis 2014, l’Africa Web Festival réunit chaque année les acteurs des technologies de l’information et la communication, à Abidjan. Durant trois jour, l’un des plus grands événements dédié au numérique en Afrique dessine les tendances à venir, à travers des conférences, des master class, des workshops et des hackathons.
Femme d’affaires ivoirienne amoureuse de culture, Mariam Sy Diawara a fondé l’Africa Web Festival. Sa volonté : mettre à disposition de la jeunesse africaine tout le potentiel du numérique.
Nous sommes l'Afrique 3.0.
1. Mariam Sy Diawara vous êtes la Fondatrice et Présidente de la Maison de l’Afrique-Mandingo. Vous êtes également à l’initiative de l’Africa Web Festival. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Je possède un parcours assez éclectique, avec deux dénominateurs communs : la culture et la communication. Après une carrière en agence de 1976 à 1990, j’ai fondé et dirigé le groupe de communication dénommé GROUPE UNIVERS, agissant dans le conseil en communication, l’édition, les études marketing et le tourisme
Dans le domaine de la publicité et de la communication, j’ai eu le privilège de représenter l’Afrique au conseil d’Administration du Mondial de la Publicité Francophone.
Amoureuse de culture j’ai été la première Présidente de l’Association des Éditeurs en Côte d’Ivoire de 1991 à 2000, et l’initiatrice des premiers Salons du livre et tourisme africains tenu à Abidjan.
2. Quel regard portez-vous sur l’entrepreneuriat en Afrique ?
C’est l’une de mes très grandes préoccupations car la démographie, en particulier la jeunesse, est un grand défi pour le continent africain. Mais je pense qu’il faut aborder l’entrepreneuriat de manière différente. A titre d’exemple, pour une grande partie des populations africaines, le premier contact avec l’entrepreneuriat se fait à partir du secteur informel. Il faut donc sortir des sentiers battus et offrir des solutions différentes et surtout adaptées : formation, financement, promotion…
D’ailleurs, le potentiel d’auto-emploi inhérent à l’économie numérique africaine est une de mes motivations principales dans la création de l’Africa Web Festival.
3. L’Africa Web Festival est l’événement incontournable des TIC en Afrique Francophone. Pouvez-vous nous raconter l’histoire de sa création ?
Le fait d’arriver au numérique est presque un accident. En effet, au cours d’une conversation j’ai appris que, d’ici 20 à 30 ans seulement, 25 % de la population mondiale serait employable. Le reste sera progressivement mis sur la touche par manque de maîtrise de l’outil informatique. C’est donc de ce constat qu’est né ma volonté de créer l’Africa Web Festival.
4. Pourtant, le manque d’infrastructures et le coût d’accès à internet sont encore rédhibitoires, notamment dans les pays subsahariens. Quelles solutions doivent être apportées pour que le numérique atteigne ses objectifs de développement ?
La balle est clairement dans le camp des gouvernements, notamment pour le déploiement de la fibre optique ou la régulation des offres de communication. Au niveau du privé, tout naturellement, la concurrence entre les opérateurs devrait faire son effet, comme c’est le cas dans le secteur de la télévision par satellite.
Il est important que les gouvernements se rapprochent des acteurs des écosystèmes digitaux africains, afin que l’internet soit envisagé comme un élément clé de la création de valeur dans les pays et non un service imposé par la modernité.
La tendance du numérique africain reste portée sur l'amélioration des conditions de vie.
5. Quelles sont, selon vous, les prochaines tendances du secteur numérique en Afrique ?
La question est très vaste, et la réponse peut-être aussi volatile que le numérique peut l’être lui-même. Quoi qu’il en soit, nous constatons que de plus en plus de succès stories du numérique africain naissent des défis quotidiens auxquels sont confrontées les populations. Qu’il s’agisse de pallier la faible bancarisation, répondre aux limites du système de santé ou adapter les contenus éducatifs, la tendance du numérique africain reste portée sur l’amélioration des conditions de vie.
Certes, le divertissement, l’information et le e-commerce restent importants, mais l’on se rend compte que l’appropriation des solutions numériques par les populations est très pragmatique. Notons que bien que l’accès à l’outil connaît un boom à travers le téléphone mobile. Cependant, l’accès à internet reste un défi, donc un gros potentiel de consommateurs de solutions digitales reste à conquérir. Sans oublier la place importante du SMS.
6. Vous êtes aussi très active dans l’entrepreneuriat social, notamment auprès des jeunes. Pensez-vous que ce secteur est un nouveau modèle de développement pour l’Afrique ?
Je pense qu’il serait opportun de sortir de cette approche « développement » lorsque l’on parle de solutions pour le continent africain. En effet, cette approche nous oblige à envisager les choses au niveau macro et avec comme acteurs principaux les institutions. Alors que, dans le cas de l’entrepreneuriat, c’est au niveau micro, à travers le parcours de chaque individu, que l’on doit envisager la création de valeur.
Ainsi, nous devrions peut-être parler de modèle d’accélération ou d’autonomisation de toutes ces personnes qui sont déjà très actives, mais dont le succès nécessite un environnement propice à leur épanouissement : accès au financement, formation, accès aux marchés public… Pour répondre à votre question, je pense que l’entrepreneuriat social est important du fait qu’il permet de garder une dimension humaine dans le modèle entrepreneurial qui pourrait être promu en Afrique.
7. D’après la Banque mondiale, le taux d’entrepreneuriat féminin en Afrique est l’un des plus élevés du monde. Selon vous, à quoi cela est-il dû ?
Chaque pays, et peut-être même chaque famille, a sa réalité à ce sujet. Mais l’on se rend compte déjà que la limite de l’accès à l’école dans certaines régions d’Afrique pousse tout naturellement les femmes à l’entrepreneuriat, informel en grande majorité.
De plus, culturellement, les femmes ont toujours eu ce caractère « commerçante » qui certes, n’est qu’un prémisse à l’entrepreneuriat au sens large (gestion, marketing, etc.) mais explique assez aisément la forte présence des femmes dans le tissu entrepreneurial africain.
8. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite entreprendre un projet sur le continent ?
Venir à Africa Web Festival ! (rires)
Avoir un projet et le maîtriser techniquement est une chose. Cependant, pour atteindre ses objectifs, il est indispensable d’obtenir des données moins tangibles mais tout aussi pertinentes. Il s’agit par exemple de la connaissance culturelle du terrain, d’identifier les tendances, de rencontrer et de sentir l’énergie de l’écosystème… Dans un premier temps, être sur place est indispensable pour rencontrer et s’informer, au-delà d’une simple documentation.
9. Avez-vous d’autres projets en cours ou à venir dont vous souhaitez nous faire part ?
Depuis sa création, AWF fédère autour de lui un vaste écosystème de porteurs de projets. C’est donc tout naturellement que nous sommes en train de créer AccelAfrik, un programme d’accélération et de formation en résidence, d’une durée de 6 mois et dédié aux entrepreneurs innovants.
L’ambition d’AccelAfrik est d’offrir un encadrement rigoureux offrant aux entrepreneurs de meilleures pratiques de gestion, afin de passer de l’étape d’idée à celle d’une entreprise structurée et viable. Ce camp d’entrepreneurs d’une superficie de 6000 m2, sera installé dans la localité de Samo, non loin de la ville de Bonoua, dans un environnement répondant aux exigences de développement durable.
Notre objectif est de former les leaders de demain en matière d’entrepreneuriat, de management et d’innovation qui pourront par la suite disséminer les meilleurs pratiques dans l’écosystème. Nous sommes dans la phase critique de recherche de financement.
A propos de l’Africa Web Festival
Durant 3 jours, l’Africa Web Festival réunit les principaux acteurs de l’écosystème numérique d’Afrique francophone et d’ailleurs. L’occasion de se rendre visible, se former, découvrir les tendances du marché et développer ses affaires.
AWF réuni les gens d’affaires, les donneurs d’ordre institutionnels, les concepteurs de solution digitales et les entrepreneurs autour des points suivants :
- Créativité : découvrir la créativité numérique à l’africaine, à travers ses acteurs influents et les industries qu’elle révolutionne. Une question se pose : Quel est l’impact économique de la créativité dans l’industrie numérique africaine ?
- Innovation : en terme d’outils ou de pratiques. Mais quelles sont les tendances et enjeux commerciaux de l’innovation en Afrique. Quelle différence avec le reste du monde ?
- Entrepreneuriat : 3 jours inspirants pour découvrir les success stories du digital africain et les secteurs porteurs d’opportunités. Comment favoriser l’accès au financement, la culture entrepreneuriale et la formation ?
La 4ème édition du Festival se tiendra les 20, 21 et 22 novembre 2017, à Abidjan.
Pour plus d’information, visitez le site de l’événement.
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