#Sénégal : la legaltech à l’honneur au Lexafrika Summit
Le Droit est en pleine révolution. Alors que le secteur jouit d’une image plutôt traditionnelle, les nouvelles technologies viennent tout chambouler. Des startups spécialisées dans ce qu’on appelle la legaltech proposent aujourd’hui des services juridiques plus accessibles.
C’est le cas de Lexafrika.com, qui offre aux PME et start-up un service de rédaction de documents juridiques. Initié par le cabinet d’avocats d’affaires Bruzzo Dubucq, la plateforme est conçue pour l’Afrique. Le lancement officiel a été annoncé lors du LexAfrika Summit, qui s’est tenu les 24 et 25 novembre dernier à Saly, station balnéaire située au sud de Dakar.
“Nous ne sommes pas la transposition d’une plateforme qui existerait déjà en Europe ou aux Etats-Unis. Notre service est exclusivement conçu et dédié pour l’Afrique.”
Legaltech : le digital à l’assaut du juridique
Pour une startup ou une PME, se payer les services d’un avocat, ça peut faire mal. Si bien que les entrepreneurs privilégient souvent la débrouillardise en parcourant le web à la recherche de modèles gratuits.
Le risque, c’est d’utiliser des documents juridiques inadaptés qui peuvent parfois mettre en péril l’activité. Quand vient le moment tant attendu de la levée de fonds, certaines startups se trouvent brutalement confrontées à l’importance d’une bonne structure juridique. Les fondateurs de Lexafrika mettent en garde :
“Notre volonté est d’interpeller les entrepreneurs sur l’utilisation de modèles gratuits ou quasi-gratuit proposés par certains sites sans passer par un avocat, peut se révéler très dangereuse. Le modeste coût de notre service est gage de qualité, et permet ainsi d’éviter les mauvaises surprises.”
Face à ce constat, de nouveaux acteurs ont fait le choix de démocratiser l’information juridique et d’assister ces entrepreneurs isolés. Comment ? Grâce aux nouvelles technologies. Rédiger les statuts de son entreprise ou son pacte d’actionnaires en ligne est désormais possible. C’est cette automatisation du service juridique qu’on appelle la legaltech.
Des technologies telles que l’intelligence artificielle, alliées à l’automatisation et à des modèles d’actes de haute qualité, permettent de rendre plus accessibles les actes juridiques. Avec ce traitement automatisé, une plateforme comme Lexafrika.com offre ainsi des documents juridiques adaptés au besoin des PME, à faible coût et en peu de temps.
En Afrique, et dans le monde en général, le système juridique est pensé pour les grandes entreprises (...)
L’objectif pour Cédric Dubucq, Président de Lexafrika, est d’accompagner l’émergence de l’entrepreneuriat en Afrique, en démocratisant le juridique : “En Afrique, et dans le monde en général, le système juridique est pensé pour les grandes entreprises qui ont les moyens de se défendre. Nous nous adressons à la très large majorité de sociétés trop souvent oubliées.”
LEXAFRIKA veut accompagner l’entrepreneuriat en Afrique
Sur Lexafrika.com, les entrepreneurs ont la possibilité de télécharger une grande variété d’actes juridiques personnalisés. Les documents vont ainsi de la création d’entreprise aux levées de fonds, en passant par les contrats d’embauche, les pactes d’associés et les accords de confidentialité.
Concrètement, lorsqu’un entrepreneur a besoin d’un document juridique, il se connecte à la plateforme, choisit l’acte dont il a besoin et remplit les champs au fur et à mesure. Il télécharge ensuite son document juridique et peut même appeler un avocat dans son pays si nécessaire.
La structuration juridique fait partie des fondamentaux que l’entrepreneur doit maîtriser.
Rivolala Ratsimandresy est co-fondateur de la Rencontre des Entrepreneurs, un accélérateur privé dédié aux PME du Sénégal. Présent au LexAfrika Summit, il a partagé son expérience sur les difficultés pour les entrepreneurs d’accéder à un conseil juridique pourtant essentiel :
“Ici, au Sénégal, 98% des entreprises sont formalisées en Entreprise Individuelle. Or, l’Entreprise Individuelle ne peut ni protéger le patrimoine, ni se transmettre. La structuration juridique fait donc partie des fondamentaux que l’entrepreneur doit maîtriser. Notamment parce que c’est ce qui lui permet de garder le contrôle de son entreprise.”
Le Lexafrika Summit a aussi permis de réunir les acteurs de l’écosystème digital autour de thématiques telles que la blockchain, l’intelligence artificielle ou les objets connectés. Entrepreneurs et spécialistes du Droit ont échangé leur vision sur l’avenir de l’africanTech.
l’essor de la legaltech en Afrique francophone
Pourtant, la legaltech ne fait pas encore partout l’unanimité. En France par exemple, on a assisté à de véritables levées de boucliers de la part de certains avocats. A l’image du combat des chauffeurs de taxi contre Uber, des avocats n’ont pas hésité à mener des actions en justice contre ces startups qui prônent la dérégulation. Les legaltech seraient accusées de mener une concurrence déloyale contre la profession d’avocat.
Sur le continent africain en revanche, les facteurs semblent réunis pour favoriser l’essor des nouvelles technologies au service du Droit. Apparue d’abord en Afrique anglophone, la legaltech germe également en Afrique francophone. Les startups comme Lexafrika sont au premier plan pour faciliter l’accès au droit OHADA et favoriser le développement de l’entrepreneuriat.
Les deux tiers des entrepreneurs que nous avons rencontrés nous ont confié que les honoraires des avocats pour des actes juridiques de haute qualité leur paraissaient prohibitifs.
Parmi les partenaires du cabinet, on compte d’ailleurs WeCashUp. La startup, présentée comme le Paypal africain décloisonne, elle, le secteur du paiement mobile. Pour Cedric Atangana, son CEO et co-fondateur, l’accès au Droit est essentiel au développement économique sur le continent :
“WeCashup est née à Douala, a grandi à Nairobi, aujourd’hui implantée à Marseille et on envisage de revenir sur le continent. Mais si demain je devais créer une filiale au Cameroun, qui est mon pays, je ne saurais pas par où commencer ! L’Afrique est tellement fragmentée en termes de lois qu’avoir un partenaire comme Lexafrika est essentiel.”
Si les acteurs en Afrique de l’Ouest sont bien partis pour redéfinir l’approche des legaltech, certains freins demeurent. En tête, le taux de connectivité et l’accès internet, qui sont des paramètres décisifs. L’avenir de la legaltech est-il en Afrique ?