Citoyenneté numérique : l’UNICEF déploie son application U-Report en France
L’accès aux réseaux sociaux devient de plus en plus facile pour les populations à travers la planète. Ce nouveau contexte permet aux initiatives citoyennes de conquérir un nouvel espace de parole et, parfois, de peser sur les décisions des pouvoirs publics.
C’est justement le but de l’application U-Report, développée par l’UNICEF et dédiée à la jeunesse internationale. Interview d’Eskandar Benaicha, Chef de projet U-Report France.
Lancé en 2011 en Ouganda, le projet U-Report (prononcer “You report”, “Tu rapportes”) fonctionne sur le principe d’une messagerie sociale. Par SMS, Twitter, Facebook Messenger… les jeunes U-Reporters sont invités à répondre à des sondages sur des problématiques de leur vie quotidienne. On compte actuellement plus de 3 millions de U-Reporters, répartis dans 33 pays du monde. Lancé en France en version bêta depuis juin dernier, l’UNICEF prévoit son lancement officiel fin mars 2017, dans le cadre de la campagne Présidentielle.
U-Report permet aux gouvernements de mieux aiguiller leurs politiques publiques
1. Eskandar, vous êtes Chef de projet U-Report France. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Après mes études de journalisme, j’ai créé ma startup, spécialisée dans l’animation de sites et la stratégie de contenu web. Cette expérience m’a donné la fibre de l’entrepreneuriat et a développé mon appétence pour la révolution numérique et le web en général.
En 2008, je décide de vendre mon entreprise. Quelques mois plus tard, je suis contacté par un chasseur de tête pour un poste de Responsable éditorial web au sein du Service d’information du Gouvernement. Placé sous l’autorité du Premier ministre français. ce service coordonne la communication ministérielle et gouvernementale. Je gérais le site officiel du tourisme hexagonal France.fr, l’enjeux économique était donc très important, puisque le site est la vitrine du tourisme français.
J’ai rejoint UNICEF France en 2013, au service de la communication digitale. Je cherchais une dimension internationale et au sein d’UNICEF France, nous traitons aussi bien de sujets nationaux qu’internationaux. En janvier 2016, je me suis vu confier le déploiement de U-Report en France.
2. Comment est né le projet U-Report ?
Il faut d’abord savoir que le l’UNICEF possède un Centre d’innovation qui subventionne des start-ups dans les pays émergents. L’objectif est de déployer des innovations numériques au service des enfants et des jeunes. Le Global Innovation Centre devient propriétaire de la solution et assure le soutien technique pour l’étendre à plusieurs pays.
En mai 2011, une startup kényane présente au GIC son projet d’outil numérique permettant aux jeunes de s’exprimer à travers des sondages. L’UNICEF assure alors son déploiement en Ouganda, premier pays test. A l’époque, les jeunes ont très peu d’espace de parole, mais le smartphone y est déjà un outil accessible. U-Report sera ensuite déployé dans 20 pays africains et, en 2015, l’outil apparaît en Amérique du Sud et en Asie. Depuis 2016, U-Report commence aussi à se déployer dans les pays européens.
3. Pouvez-vous nous expliquer son fonctionnement ?
U-Report est un outil numérique fait par les jeunes et pour les jeunes. Son fonctionnement se décompose en deux phases. Tout d’abord, les sondages sont envoyés sur les smartphones des U-Reporters, en message privé via Facebook ou Twitter. Les U-reporters envoient leur réponse gratuitement et de manière anonyme.
La deuxième phase est la restitution des résultats en temps réel sur le site internet U-Report France. À la fin du sondage, les U-Reporters reçoivent les résultats sur leurs smartphones.
4. Comment les représentants gouvernementaux accueillent-ils le projet en général ?
U-Report a bien été accueilli dans tous les pays où il s’est développé. En tant qu’organisation des Nations Unies, l’UNICEF travaille déjà activement avec les gouvernements. Les représentants gouvernementaux comprennent bien que l’outil, grâce aux remontées d’information des jeunes, peut les aider à mieux aiguiller leurs politiques publiques en leur faveur.
U-Report est d’ailleurs un moyen de pallier le manque d’outils des pouvoirs publics pour collecter des statistiques. Par exemple, lors de la crise Ebola, il a permis au gouvernement du Libéria de mieux identifier les régions qui avaient le plus besoin de prévention et de sensibilisation. Autre exemple en République Centrafricaine, où U-Report a contribué au dialogue national de paix entre les communautés.
5. Comment s’est déroulé le déploiement de U-Report en France ?
En France, le projet U-Report s’est déroulé sur en deux temps. Une phase d’étude, qui a duré de janvier à mai 2016. Durant cette étape, nous avons organisé des ateliers avec des lycéens. Le but était de trouver le positionnement le plus adapté pour la France, selon les besoins et la société. Les thèmes dominants qui sont ressortis lors de ces ateliers sont la citoyenneté, l’environnement et la santé.
La seconde phase est celle du déploiement technique, de mai à juin. C’est une étape relativement rapide car l’outil est livré clé en main par l’UNICEF. La version bêta a été lancée en juin dernier. Nous comptons actuellement près de 1 900 U-Reporteurs en France.
6. Les équipes francophones U-Report échangent-elles entre elles ?
U-Report compte aujourd’hui plus de 3 millions d’inscrits dans le monde. La majorité des pays concernés sont de culture anglophone, comme l’Ouganda ou l’Inde. Les pays francophones ne sont que 8 aujourd’hui, il est donc essentiel d’entretenir une synergie autour de thématiques et de sondages communs : solidarité internationale, environnement… C’est pourquoi, nous échangeons très régulièrement avec les autres Chefs de projet francophones. Nous insistons beaucoup sur le partage d’expérience et l’esprit d’équipe.
U-Report est un moyen de pallier le manque d’outils des pouvoirs publics pour collecter des statistiques. Par exemple, lors de la crise Ebola, il a permis au gouvernement du Libéria de mieux identifier les régions qui avaient le plus besoin de prévention et de sensibilisation. Autre exemple en République Centrafricaine, où U-Report a contribué au dialogue national de paix entre les communautés.
7. Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite entreprendre un projet ?
Avoir de l’audace. Quand on est jeune, on n’a ni l’expérience, ni les financements, ni les soutiens, et on n’ose pas. Or, il faut faire de ces trois désavantages une force. Faire par exemple appelle au crowfounding, au soutien des proches, développer sa créativité… Quand j’ai créé ma start-up à 23 ans, on m’a pris pour un fou ! D’où l’importance de bien s’entourer et de croire à son projet.
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