Proposer des aliments pour bébé bio et nutritifs à partir de produits locaux : la mission de la startup « Le Lionceau »
Si la mortalité infantile est en diminution au Sénégal, près de 20% de la population souffre de malnutrition chronique. Les enfants sont particulièrement touchés, avec des conséquences sur leur santé et leur apprentissage.
Avec Rémi Filastò, Siny Samba a fondé Le Lionceau, une entreprise qui développe une gamme d’aliments infantiles de haute qualité nutritionnelle et fabriquée localement. Leur vision ? Valoriser les produits locaux et renforcer la chaîne de valeur alimentaire.
J’ai toujours en tête de suivre un système « de la fourche à la fourchette » : utiliser ce qui est produit ici et le transformer ici.
LA NAISSANCE DU LIONCEAU
Après son BTS en agro-alimentaire, Siny Samba quitte Dakar pour Montpellier, où elle poursuit ses études d’Ingénieur. « J’ai toujours adoré la cuisine. Toute petite déjà, j’aidais ma grand-mère à faire des beignets qu’elle vendait dans les rues de Dakar. »
Tout a commencé lorsqu’elle travaillait en France, au sein du Pôle R&D d’une grande entreprise spécialisée dans l’alimentation pour bébés. « Je me suis passionnée pour le secteur de la petite enfance et j’ai pu développer une expertise dans le domaine de l’alimentation des bébés. »
Là, j’ai vu une quantité ahurissante de produits importés. Il n’y avait aucun produit local dans les purées pour bébé.
Très curieuse, Siny se pose alors beaucoup de questions par rapport aux habitudes alimentaires des bébés au Sénégal. La jeune Ingénieure commence à interroger les mères de son entourage. « Une fois, une maman m’a dit que son enfant ne buvait que du soda et jamais d’eau. Et ça ne l’alarmait pas du tout »
Elle décide de partir observer les rayons des supermarchés dakarois et se trouve confrontée à un deuxième problème. « Là, j’ai vu une quantité ahurissante de produits importés. Il n’y avait presque aucun produits locaux. »
En juin 2017, Siny Samba et Remi Filasto s’installent au Sénégal, après avoir mûri le projet depuis la France. Les produits sont encore fabriqués de façon artisanale, mais l’entreprise récolte déjà les retours de ses premiers clients.
“Au début du projet, on voulait construire une usine à grande échelle, entièrement équipée ! Mais quand nous sommes arrivés sur place, on s’est vite rendus compte que les délais étaient plus long que prévu… On s’est alors dit qu’on allait d’abord tester le marché avant d’engager nos fonds propres.”
Pour trouver les produits Le Lionceau, direction les marchés comme au Dakar Famers Market, le marché fermier et artisanal spécialiste du consommer local qui se tient le 1er samedi du mois, dans la capitale sénégalaise. Il est aussi possible de passer commandes via la page Facebook ou par téléphone. “On prévoit de lancer très prochainement un abonnement mensuel avec un système de consignes et de livraison à domicile”.
REDÉCOUVRIR LES VERTUS NUTRITIONNELLES DES ALIMENTS LOCAUX
“Des études ont démontré que la période allant de la conception jusqu’aux 2 ans et demi de l’enfant, était une fenêtre d’opportunités pour construire son capital santé futur. On parle des 1 000 premiers jours de l’enfant”
Les premières années de vie sont en effet essentielles dans le développement physique et cognitif. “Par exemple, il est prouvé que donner des produits salés très tôt à l’enfant peut favoriser son goût pour les produits salés une fois à l’âge adulte. Or, on sait qu’une consommation excessive de sel augmente le risque d’hypertension.”
Le mil par exemple, est riche en fibres, le fonio en acides aminés, le bouye en vitamine C et j’en passe ! Il faut vraiment informer la population.
Si Le Lionceau tient à valoriser les produits locaux, c’est que les parents manquent cruellement d’information sur les vertus nutritives de ces produits. L’impact d’une bonne alimentation chez le nourrisson et le jeune enfant est souvent sous-estimé.
“C’est vrai qu’il y a encore du travail (rires). On a oublié le savoir des générations précédentes. On va souvent privilégier des produits importés alors que nos produits locaux ont tellement de vertus ! Le mil par exemple, est riche en fibres, le fonio en acides aminés, le bouye en vitamine C et j’en passe ! Il faut vraiment mener des campagnes de sensibilisation et informer la population”
FAVORISER LES PARTENARIATS AVEC LES PETITS PRODUCTEURS
Derrière les aliments sains et nutritifs proposés par Le Lionceau, c’est tout un système de production que les deux jeunes Ingénieurs veulent valoriser. L’entreprise a déjà noué plusieurs partenariats avec de petites producteurs et des associations locales.
“Nos partenaires locaux sont essentiels dans notre projet. On a passé des partenariats avec des agriculteurs et des associations qui utilisent des produits naturels, sans produits chimiques, comme à Tamba et dans la zone des Niayes (région au nord-ouest du Sénégal, ndlr).
Céréales, riz, sucre, huile, lait en poudre ou encore concentré de tomate… Le Sénégal est un gros importateur et sa sécurité alimentaire reste fragile dans certaines régions. “Les petits producteurs ont du mal à écouler leur production ; la mangue est un bel exemple. Ce type de partenariat permet donc de renforcer le tissu économique local. Mais il y a encore du travail à faire au niveau des consommateurs…”
LA NUTRITION : UNE QUESTION CENTRALE DANS LA RÉDUCTION DES INÉGALITÉS
Si la mortalité infantile est en diminution au Sénégal, les taux étant bas par rapport aux autres pays d’Afrique sub-saharienne, près de 20% de la population souffre de malnutrition chronique. Les enfants sont particulièrement touchés, avec des conséquences sur leur santé et leur apprentissage.
Comment bien grandir lorsque l’on n’a pas une alimentation complète et que l’on souffre de carences ? La question de la nutrition devient alors centrale dans la réduction de la pauvreté et des inégalités.
En unissant nos forces, on pourrait faire les diagnostics des enfants en malnutrition puis leur proposer des produits à haute valeur nutritionnelle, qui sont faits localement”
Pour Siny Samba, il y a un vrai travail de sensibilisation à mener auprès des milieux les plus vulnérables. Il faut aider les communautés à préparer des plats, les informer sur la valeur nutritionnelle des matières premières à leur disposition…
“L’Etat a bien sûr son rôle à jouer. Mais il faut une collaboration multi acteurs impliquant les associations, le secteur privé, les consommateurs… Nous devons mutualiser les ressources et les compétences pour répondre plus efficacement à la malnutrition. En unissant nos forces, on pourrait diagnostiquer les enfants en malnutrition, puis leur proposer des produits à haute valeurs nutritionnelles, faits localement”
Les coûts de production étant encore élevés, les produits Le Lionceau sont pour le moment accessibles à la classe moyenne et aisée sénégalaise. Mais la vision de Siny Samba et de Rémi Filastò est bien de s’adresser aux populations les plus vulnérables, en leur proposant des produits fortifiés, enrichis et accessibles.
LE CONSEIL DE SINY SAMBA AUX ENTREPRENEURS
“Le continent est en pleine explosion entrepreneuriale et c’est une bonne chose. Dans cette effervescence, c’est important de trouver sa passion pour ensuite nourrir nos ambitions. L’entrepreneur doit toujours garder sa vision en tête, être passionné par ce qu’il fait et surtout, ne pas rester seul.
La solitude de l’entrepreneur est une réalité et je conseille vraiment de trouver des partenaires qui partagent notre vision pour aller, ensemble, jusqu’au bout de vos ambitions.”